Il y a eu l'avant...
La rencontre, en mai, avec elle ; cette jeune femme, gynécologue AMP de son état, chaleureuse, altruiste, cash….
Elle m’a vu arriver avec mon énorme dossier tout bien rangé - examens en tout genre, opération, IAC par IAC, FIV par FIV - et mon gros gros sac de désespoir.
L’entretien a été très long. Au moment de se quitter, elle m’a pris la main et m’a dit (ne sachant pas encore si on allait ou non quitter notre centre pour le sien) : « On ne vous laissera pas tomber, quels que soient vos choix, on sera à vos côtés. Vous aurez votre bébé ».
Je venais de trouver un médecin et une humain à qui parler, qui m’écoutait, me comprenait et me répondait sans détour.
Sa phrase, ses mots m’ont considérablement aidée, m’ont accompagnée les mois qui ont suivi. Je n’avais plus l’impression que nous étions seuls avec notre problème !
Une décision commune et devenue quasi vitale pour nous de changer.
Changer de centre d’AMP. Ne plus voir ses lieux tant empreints d’échecs. Quitter l’équipe médicale dont la motivation commençait à s’émousser, qui entrouvrait la porte de la sortie et évacuait gentiment mais sûrement le sujet du don et de l’accompagnement nécessaire…
Ré investir nos loisirs, travailler sur nous, sur la connaissance de nos aspirations, craquer aussi…
Cheminer vers le lâcher prise vis-à-vis d’un boulot et d’une entreprise toxiques, placer mon bien-être et mon projet de fonder une famille AVANT le boulot et surtout rompre avec un stress devenu bien trop grand. Abandonner ma culpabilité de celle qui a à cœur de toujours bien faire (ce qui devient de moins en moins possible en entreprise) et ce au détriment de sa sérénité.
Savourer des heures et des heures de yoga, des heures bienfaisantes, … Mieux savourer chaque jour, chaque moment présent… Non sans ombre, non sans douleur, non sans doute, … Mais essayer.
Pour mon homme, sauter le pas ; s’inscrire à des cours de théâtres, courir, s’écouter, …
S’enrichir et se fortifier auprès de ces gens qui ont été des sources d’inspiration et de lumière pour nous.
Avant la FIV programmée en octobre, ‘elle’ m’a fait une hystéroscopie et biopsie de l’endomètre sous anesthésie générale. Avant de rentrer au bloc, elle est venue me voir, m’a caressée le front et dit des mots rassurants.
Quelques jours avant la FIV programmée en octobre, je l’ai revu, « elle », pour les ordonnances. Je pleurais.
Retour de congés et reprise du boulot chaotique ; désorganisation totale, la rate au court bouillon pour satisfaire tout le monde, malmenée par des clients car votre hiérarchie n’a pas même pas fait l’effort d’organiser la passation correcte de dossiers quand une de vos collègues a démissionné vous obligeant une fois de plus (de trop ?) à bâcler, prendre des risques sur des conclusions, faire des heures encore, … Routinier à vrai dire … En 5 jours, les nerfs lâchaient.
Alors elle m’a demandé ce qui me soulagerait le plus ? « De ne plus jamais y mettre les pieds ». Alors elle m’a dit « ok, à partir d’aujourd’hui vous ne mettrez plus jamais les pieds dans cette boite pourrie ».
Ma généraliste, toujours à mes côtés depuis ces années, m’a arrêtée.
Et j’ai gardé ses mots en tête « vous ne mettrez plus jamais les pieds… », avec un soulagement indescriptible ; une nouvelle respiration, un poids qui s’en va.
Le traitement de la FIV s’est passé. Jour après jour. Moins de temps d’attente au centre PMA, des personnes agréables tant au secrétariat qu’au labo, … Des gynécologues toujours à l’écoute et communicants.
Le 18 octobre, transfert de deux embryons. En pleurs. Les résultats du labo n’étaient pas rassurants, n’étaient pas ceux espérés,…. Encore … La première fois que j’accueillais nos embryons en pleurant, le moral à ce point atteint, … La gynécologue (la mère d’elle, et oui une histoire de famille J) a été d’une douceur extrême. Nous avons eu du temps mon tané et moi avant que je me lève et me rhabille. Un moment où nous étions réunis avec ces petites vies pleines de promesses mais si fragiles, et nos cœurs gros.
Chaque jour a compté à partir de là. Au début un tout petit moral. Mais chaque jour nécessaire.
Il y a eu ce jour, ce moment, cet endroit,…
Des petites pointes étranges dans le ventre. Des règles qui ne se pointent pas. Prise de sang faite un jour plus tard cause jour férié. Refus de la faire le jour d’avant. Laisser faire les choses.
Jour J. Il faut appeler le labo avant qu’il ne ferme, un peu avant midi. C’est un samedi matin. Le 2 novembre. Nous sommes à l’angle d’une rue, assis sur des jardinières de fleurs.
D’ordinaire j’aurais laissé mon tané appeler, incapable de le faire, par peur. Mais à ce moment-là, je n’ai pas réfléchi une seconde, j’ai fait le numéro et appelé.
La jeune femme, très gentille, me demande de patienter – curieusement je ne panique pas pendant ces secondes interminables – elle me reprend en ligne et me dit avec un sourire dans la voix « c’est positif ». Mes lèvres esquissent un sourire radieux mais prudent. Mon tané, lui, n’entend rien, il ne fait que suivre les émotions sur mon visage. Je demande à combien est le taux ; 424 !!? Je dis à la jeune femme « vous ne vous imaginez pas à quel point c’est une excellente nouvelle ». A l’émotion dans ma voix, je crois qu’elle ressent l’énormité de son annonce !! Mon tané commence à comprendre, je vois les larmes qui se forment dans ses yeux… Je raccroche et là…
Il n’y avait plus de terre, plus de temps, plus que nous… Les gens passaient près de nous, sans qu’on les voie. On se serrait l’un contre l’autre à s’en couper la respiration… Mon homme pleurait maintenant à chaudes larmes. Moi je cherchais des repères, des indices, … quelque chose qui me prouverait que je n’étais pas dans un rêve. Les larmes ne pouvaient pas sortir. Elles commencent tout juste aujourd’hui….
Là, à cet instant, les deux pieds bien ancrés dans le sol, dans la vie, la vraie vie, en ce samedi ensoleillé qui restera gravé à jamais dans ma mémoire ; j’étais enceinte. C’était pos-si-ble, cela existait, inscrit sur un document dans un labo, inscrit dans cet échange de mots déjà envolés ; une minuscule vie s’était installée en moi. … Je n’y croyais plus ! C’étaient les premières secondes d’une autre page, d’une autre vie. Un point de bascule totalement déroutant et sans doute le plus beau moment qu’on ait eu à vivre. Des secondes d’un bonheur spontané, sans nuage, … Enfin !!… Cela faisait si longtemps qu’on était dans le noir !
Notre miracle. Notre merveilleux miracle.