Le 20 octobre après-midi, nous prenons le chemin qui nous mène vers la gygy gourou des bébés.
Comme à chaque fois, on attend beaucoup de ces minutes de rendez-vous ; une empathie, une explication, une raison d’espérer, une raison d’affronter les futures épreuves, … Nous avons fait une liste la veille comme des écoliers consciencieux.
Nous prenons la route. Nous calculons l’avance qu’il nous faut au cas où il y aurait des bouchons.
En débouchant sur le Vieux-Port de Marseille, je me demande combien de fois nous avons pris ce chemin pour aller au centre PMA, dans quel état d’esprit nous étions les fois précédentes. Je me dis que la dernière fois, c’était pour le transfert des embryons. Je me demande combien de fois il nous reste à passer à cet endroit pour cette destination et pour parler d’un échec de FIV. Maintenant, en écrivant ces mots, je prends le risque de dire haut et fort, à qui, à quoi, voudra l’entendre, ce sera la dernière fois !!!
Nous nous garons non loin du centre, tellement concentrés et pré occupés, nous oublions le parcmètre. La police municipale ne nous oubliera pas, elle.
Nous rentrons dans le centre. Mon nez détecte ces odeurs si caractéristiques qui ont empreint nos nombreux passages, des moments forts comme les inséminations, les transferts de nos embryons… Je me rappelle qu’après la première insémination, j’étais sortie en marchant délicatement, tout doucement, veillant à éviter les chocs, … avec une précieuse pépite d’or dans le bidou.
En ce début d’après-midi, il n’y a pas encore beaucoup de retard. D’habitude, dans la salle d’attente, j’ai un regard pour toutes ces personnes qui attendent et partagent notre expérience. Aujourd’hui, je n’ai pas envie.
Je passe vite à l’écho, tant mieux si ce séjour en salle d’attente ne s’éternise pas. J’apprécie l’échographe de garde ; elle ne parle pas beaucoup mais elle est sympa. Elle dira peu de mots mais ils seront positifs ; ovaires et utérus vont bien, un corps jaune habite le monsieur de gauche signe d’une ovulation ! Wouhouuu.
Je retourne en salle d’attente. Les secondes que je mets à parcourir les quelques mètres entre la porte de la salle d’attente et nos chaises sont longues car mon chéri me questionne déjà des yeux… J’ai hâte de mettre fin à son attente et son inquiétude. Tout va bien.
C’est bientôt le tour de la gourou. Partie faire un tour au pipi-room, je retrouve chéri directement dans son bureau. Elle dit que « La délicatesse », que j’ai entre les mains, est un très beau livre. Je confirme. J’aime beaucoup la sensibilité de David Foenkinos, sa description si simple et juste des
sentiments, des émotions, … David Foenkinos ferait un magnifique livre sur l’infertilité.
La gourou est moins empathique aujourd’hui, plus speed. Elle est humaine, on le sent dans ses yeux, ses mots, mais elle est speed. C’est dommage. Je ne suis pas encore bien assise qu’elle a déjà dit plein de choses, qu’il faudra qu’elle répète. Je ne suis pas prête !
Le téléphone sonne « Oui ? silence. Bonjour. silence. Amandine est née ?? Quand ?? Elle pèse combien la princesse ? Comment vont la maman et la puce ?? Super ! Vous les embrasserez bien fort. Merci de m’avoir appelé, c’est très gentil ! ».
Elle revient à notre cas, à l’écran d’ordinateur qui nous renvoie les résultats de la stimulation, de la ponction, de la FIV. J’essaie de prendre un air détaché (c’est con, non ?). Comme si une naissance, annoncée dans un bureau de PMA, avait un quelconque rapport avec nous !!! Non, non, je ne vois pas… En fait, par pudeur, je veux cacher ma tristesse….
Au menu ou à l’ordre du jour en prévision de FIV 3 :
- un bilan d’échec d’implantation ; une analyse de sang à faire au labo du centre et une autre à l’hôpital de la conception (bilan de thrombophilie),
- passage en protocole court antagoniste ; les protocoles longs ne semblent pas ravir mes ovaires (car OPK) et réussir à mes ovocytes,
- pas de changement de régime pour les zozos ; FIV classique ; ils font bien leur taf visiblement (pfff, fayots !),
- passage aux blastos. A rediscuter en décembre, à réception du bilan d’implantation,
- pas de prescription de DHEA, car aucune étude ne montrerait les effets bénéfiques ( ?!),
- pas de bilan hormonal pour rassurer l’inquiète qui vit en moi ; à priori les follicules vus à l’écho, la réponse aux stims., mon âge, … lèveraient ses doutes.
Je la questionne sur nos chances à venir ! Comme si la gourou était confidente de Dame Nature et disposait d’une boule de cristal pour y lire ses futures réalisations.
Dans sa boule, elle y voit de bonnes chances ! T’as entendu Dame Nature ????
Passage au labo. Enième prise de sang. Je disais à la biologiste (une jeune-femme, super gentille et douce, sur qui je tombe trop peu souvent) qui me pique (sans faire mal) que ce parcours avait eu raison de ma phobie des aiguilles. Petite victoire.
Une contravention nous attend sur le pare-brise de la voiture. Pfff, même pas mal ! Je ne pensais vraiment pas que la police municipale sortait par grand mistral… ! Je fais de l’humour. Ce rendez-vous distille en moi une dose d’espoir. On efface tout et on recommence. L’effet passe avec le temps. Les questions et la peur reprennent leur bonne vieille place.
Nous reprenons la voiture. La dernière fois que nous avons fait ce trajet, j’avais 2 petits embryons au chaud. J’étais inquiète, mais je ne voulais pas que cette inquiétude les empêche de s’accrocher. Je voulais qu’ils soient dans un cocon tout doux et souple.
Peut-être que cette rue, un jour, nous verra passer. Mais cette fois-ci, la roue aura décidé de tourner. Les embryons feront leur nid.
Un nuage devant le soleil